Le privilège de bouilleur de cru remonte à Napoléon lorsqu’il
accorda un privilège d’exonération de taxes pour la distillation de 10 litres d’alcool pur ou pour 20 litres d’alcool à 50 °.
Ce privilège fut héréditaire jusqu’en 1960 où, pour tenter de limiter le fléau de l’alcoolisme dans les campagnes, mais
aussi sous la pression des lobbies de grands importateurs d’alcool fort ou producteurs français, le
législateur en interdisant la transmission entre générations ; seul le conjoint survivant pouvait en user
jusqu’à sa propre mort, mais plus aucun descendant.
Dès lors, les bouilleurs de cru non titulaires du privilège pouvaient faire fabriquer leur alcool par le distillateur ambulant mais devaient verser une
taxe fiscale au Trésor public via l’administration des douanes à partir de 1993.
Lorsque je suis arrivé à Charrey, mon voisin Germain Moron, m’avait prêté un tonneau afin que je
puisse mettre toutes les poires de mes arbres fruitiers, en vue d’en faire de l’alcool.
Une fois rempli et fermenté, on emmenait le tonneau au bouilleur de cru d’un village voisin, je crois me souvenir qu’il
s’agissait de la commune du Châtelet.
Et nous remplissions une demie-remorque de bois qui servait à chauffer les alambics.
Les quantités de fruits sont minutieusement notées sur un registre et alors va commencer une bien
étrange alchimie.
Les fruits macérés vont être déversés dans la grande marmite en cuivre, ces fruits
seront principalement des prunes, quelquefois des poires ou pommes, très peu souvent des cerises.
La cuisson va alors commencer, dans la chaleur des lieux et de l’alambic, les fruits vont cuire et la
vapeur engendrée va être récupérée dans la partie supérieure pour traverser ensuite un serpentin
baignant dans un réservoir contenant de l’eau maintenue à une température constante. La vapeur, au
contact de l’eau froide, va se condenser dans le serpentin et se transformer en un liquide translucide
qui va s’écouler dans un récipient.
C’est la petite eau ou blanquette, non consommable car très acre.
La blanquette va de nouveau subir un cycle de cuisson dans un vieil alambic centenaire, et il va
falloir tartiner consciencieusement les joints à chaque utilisation avec de la cendre de bois tamisée
et malaxée avec de l’eau, ceci afin de rendre l’ensemble parfaitement étanche.
Après cette opération, appelée repasse, le liquide recueilli est le produit fini, appelé eau-de-vie.
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