Le pont de Charrey      Le pont de Charrey      Le pont de Charrey

                     

 

       

Le pont de Charrey a sauté dans la nuit . . . .

d'après Simone Crotet-Tessiaut à Esbarres

      
  
1er septembre 1944
« Vendredi, nous rentrons de la messe, un coup de téléphone nous apprend que les Allemands
prennent la direction d’Esbarres. Vite, on camoufle moto, tandem et vélos, rien ne vient.
Vers midi, le chef de gare téléphone, ils sont en gare pour faire sauter le pont du chemin de fer sur la Saône.
Vers 1 heure et quart, nous étions à table quand une voisine vient nous prévenir qu’une colonne de fumée monte du côté de la gare, on appelle Saint-Jean pour savoir quelque chose, la téléphoniste nous
apprend que ces messieurs ont mis le feu à la petite vitesse. Dans la soirée, des hommes venant de Saint-Jean nous disent que toute la gare est minée, ils vont tout faire sauter.
5 heures, première détonation, le pont est sauté ; quelques secondes après, nouvelle détonation, puis une autre, il en sera ainsi jusqu’à 10 heures du soir. »

Lundi 4 septembre
« Les convois passent de l’autre côté de la Saône, les avions rôdent, bombardant, mitraillant sans relâche, des colonnes de fumée montent de tous côtés. À Esbarres même, tout est calme ; de temps à autre, un véhicule allemand passe, mais c’est un égaré, il rebrousse chemin presque toujours. »

Mercredi 6 septembre
« Voici le défilé, un peu de tout, des voitures légères, des camions, des chevaux, des chars à bancs, des vélos et même des piétons.
Ce sont ceux-ci les plus lamentables, ils traînent les pieds, s’appuient aux arbres sur le bord de la route. Ils défileront ainsi jusqu’à vendredi matin.
Les derniers sont passés, une dizaine, vers 8 heures du matin. On entend le canon entre Nuits et Beaune, on dit les troupes françaises à Beaune, même à Seurre, on ne sait pas au juste où elles sont, mais ce qu’on sait mieux, c’est que les Allemands organisent une résistance à Bonnencontre, elle n’est pas très forte mais assez pour épouvanter la population de Bonnencontre et Charrey.
Le pont de Charrey a sauté dans la nuit de mercredi à jeudi. »

Jeudi 7 septembre
« Il se forme également une ligne de résistance à Échenon, Saint-Usage, celle-ci plus forte que celle de Bonnencontre. 
À Charrey, Bonnencontre, ils n’ont laissé entrer que le laitier et le facteur.
Dans l’après-midi, le pont de Saint-Jean saute également, nous sommes coupés avec l’autre rive de la Saône. »

Vendredi 8 septembre
« Fête d’Esbarres et adoration perpétuelle. Avec quelle ferveur tout le monde prie la Sainte Vierge, notre patronne. Nous sommes déjà un peu rassurés. Dans la nuit, la ligne de résistance de Bonnencontre s’est évanouie, plus un Allemand au pays. Monsieur le curé de Saint-Jean (l’abbé Krau) est venu. Monsieur l’abbé de Losne, monsieur le curé de Bonnencontre ne sont pas venus à cause des événements. Monsieur l’abbé Krau a fait seul les offices.
La journée a été très calme.
Le soir, on reprend espoir, les garçons sont allés à Saint-Jean à pied (on ne sort plus les vélos) et rapportent de source sûre que les troupes françaises sont à Seurre.
Échenon est toujours plein d’Allemands, les gens ne sont pas tranquilles à Échenon, Saint-Usage et Saint-Jean. »

Samedi 9 septembre
« 7 heures de matin, les voilà. Réveillée par ce cri, je me lève. Je m’habillais que les premières autos blindées passaient. Je descends, tout le monde est dans la rue, les drapeaux sont déjà sortis, une voisine cueille des fleurs dans son jardin et les jette sur les voitures qui passent. »

Dimanche 10 septembre
« Nous nous levons assez tôt, tout le monde fait le café, ils déjeunent tous, font leur toilette et la plupart se recouchent ensuite, ils sont très fatigués. Roulant depuis trois jours, ils attendent le ravitaillement
en essence qui doit arriver vers 9 h 30.
Nous partons à la messe à Charrey, personne n’ose aller à Saint-Jean. À midi, les soldats sont toujours là, on fait à manger, huit ont mangé à la maison.
On apprend que la ligne de résistance d’Échenon a subi le même sort que celle de Bonnencontre, elle s’est évanouie sans qu’on sache où elle est passée. L’après-midi, les troupes sont entrées à Saint-Jean, Saint-Usage, Échenon ; à 4 heures, nous sommes allées au chapelet. À notre retour, vers 5 heures, toutes les voitures étaient parties, le carburant étant arrivé. À ce moment, le premier convoi de tanks est passé, tout le monde les acclamait. »

Lundi 11 septembre
« La vie reprend son cours normal, on commence à voir circuler des voitures, quelques autos civiles ; le laitier est passé, tout le monde retravaille.
Tous les jours où les Allemands circulaient, les chevaux ne sortaient pas, personne n’allait dans les champs de peur de se faire prendre ses bêtes.
Un seul cheval a été pris au pays.
Nous sommes libérés. »